Eloquentia : plus qu’une formation…

Depuis maintenant deux ans, la formation Eloquentia organisée par La Coopérative Indigo n’a de cesse de faire parler d’elle. Offrant une formation intensive à un groupe de 30 étudiants motivés et présélectionnés, elle se déroule sur six samedis de suite et prépare notamment à un concours d’éloquence.

 
Néanmoins, plusieurs éléments troublants nous ont poussés à nous questionner sur l’objectif de cette organisation, qui in fine, est plus qu’obscure à bien des égards. Une de nos journalistes a pu s’infiltrer et mener l’enquête discrètement pour nous. Pour des raisons évidentes de sécurité, son prénom sera modifié. Nous l’appellerons donc D-Yâmsse.A.
 
10h30. J’arrive à Paris 8 et gagne le bâtiment C, au premier abord calme et dépeuplé. C’est ici que l’on m’a donné rendez-vous afin de passer les auditions. Je me méfie. Et si l’on m’avait tendu un piège ? Je m’installe sur les marches de l’escalier, près de l’entrée. A peine une demie heure ne passe qu’un homme à la chevelure touffue se présente.
“C’est vous D-Yâmsse.A  ?”. Je ne l’avais pas vu arriver celui-là. De type oriental, arborant un keffieh et une barbe, il se présente et prétend être l’organisateur. Je lui pose quelques questions stratégiques. Il me dit qu’il y aura un peu de retard et je commence sérieusement à m’inquiéter. Quelque chose se passe et je ne suis pas au courant. Avant même que je ne puisse anticiper, un autre barbu s’approche et s’apprête à me rentrer dedans. Il finit par me faire la bise et je devine que c’est une ruse abjecte pour me mettre en confiance et me tirer les vers du nez. A d’autres. Il se présente comme étant le président de La Coopérative Indigo. Je discute un peu avec lui, joue aux étudiantes pré-pubères angoissées, et mon petit tour fonctionne à merveille. Il me conseille de ne pas stresser et m’affirme que mon passage se passera bien. J’arrive enfin à allumer discrètement mon magnétophone, je ne perdrai pas une seule miette de ce qui se dira. Ça tombe bien, un troisième homme, chauve cette fois, s’approche. Mélange excentrique du comte Dracula et de Charles Mongomery Burns, il me désigne avec le bout de son parapluie et tente de m’intimider. Le pauvre ne sait pas à qui il a affaire.
Je suis à présent encerclée et mon enquête devient enfin intéressante. On m’apprend que des avocats du barreau sont également membres de cette organisation aux allures somme toute sectaire (appelons un chat un chat). C’est d’ailleurs une avocate qui me fera passer un peu plus tard les auditions, celles-ci comprenant différents jurés. On m’apprendra aussi que la nouvelle Star s’était en fait inspirée de la méthode de sélection Eloquentia pour repérer ses jeunes talents. Je commence à m’impatienter et l’on m’annonce que mon passage est prévu dans cinq minutes tout au plus. A ce moment précis, deux autres membres interviennent. Le premier pourrait être le fils naturel de 50 cents et de Grand Corps Malade, tandis que la seconde, une jeune femme brune se revendiquant étudiante en droit, se présente comme la présidente d’Eloquentia. On découvrira par la suite, notamment grâce à son nom à consonances méditerranéennes et ses allures de secrétaire administrative, que ses affirmations étaient fausses (Ils sont partout ces arabes).
J’entre enfin dans l’arène des auditions. Un jury de trois personnes m’attend. Un normand, un portugais, et une parisienne malignement introduite pour jeter un semblant de normalité dans ce milieu coloré à outrance. Je déblatère mon faux discours. Ils sont conquis. Je fais semblant d’être émue, il en va de ma crédibilité. Le Normand me félicite. Il n’y a vu que du feu. A peine sortie, j’envoie un sms au rédacteur en chef : “ils ont tout gobé ces cas soc’ !”. Une fois sortie de la salle d’audition, je vois un certain nombre de membres en train de discuter. Une réunion improvisée, sans doute pour organiser leur prochaine rencontre au kebab de l’université. Ils se déplacent en troupeau. Toujours. Je décide donc de les suivre en cachette à leur prochaine rencontre.
 
Malheureusement, c’est ici que se termine le récit de notre journaliste. Nous n’avons plus eu de nouvelles de sa part depuis cette courte enquête qui se voulait pourtant prometteuse, et des sources policières soupçonnent qu’elle se soit fait embrigader par la secte Eloquentia (les risques du métier…). Nos excuses les plus plates à nos fidèles lecteurs qui au moins auront une idée, bien que brève, du danger que constitue la formation Eloquentia pour les préjugés et la connerie.
 
Leila Alaouf